Sangliers : piège ou chasse? Le choix impossible
L'Etat veut permettre aux préfets d'ordonner des opérations de piégeages de sangliers, sans qu'ils aient besoin de passer par les fédérations de chasse. Cet arrêté a été soumis à une consultation publique.
Petit état des lieux:
Depuis des années, les populations de sangliers ont augmenté, causant plus de dégâts aux cultures. Avec cette nouvelle mesure, l'Etat tente de répondre à ce problème. Pourquoi les populations de sangliers ont augmenté ? Au sein d'un écosystème, les différentes espèces ne peuvent être en "surpopulation" étant donné qu'elles sont liées à ce que les écosystèmes peuvent leur fournir en nourriture ou autres facteur essentiel à l'existence de l'espèce. En simplifiant, si la population d'une espèce est plus importante une année qu'une autre c'est que l'écosystème aura fourni plus de nourriture. L'espèce ne sera donc pas en surnombre car cette année l'écosystème permet, de par sa "générosité", l'augmentation de ces populations.
Une année propice aux rongeurs sera une année propice aux buses ou aux renards.
Une année propice aux chenilles sera une année propice aux mésanges...
Il n'y a donc jamais de surpopulation mais toujours un fonctionnement en parfait équilibre.
Pourtant, si la population de sangliers a augmenté ce n'est pas parce que les chênes ont produit trois fois plus de glands ou que le nombre de vers de terre a augmenté, ce n'est pas non plus en raison de la disparition des grands prédateurs.
Non si il y a plus de sangliers, et tout le monde le sait, ce sont à cause des chasseurs, et parfois des cultures elles même:
Dans les années 70 et 80 les chasseurs ont hybridé des porcs (plus prolifiques) et des sangliers puis les ont lâchés dans la nature, résultat : augmentation des populations. "C'est du passé" pourrait on dire, mais les chasseurs en sont toujours responsables. Dans un grand nombre de forêts françaises, ils fournissent en nombre important (et légalement) du maïs aux sangliers, résultat: le principe écosystèmique que j'ai évoqué plus haut est engendré de façon artificielle. Les laies sont sexuellement reproductibles plus tôt, elles font deux portées par an au lieu d'une, font plus de jeunes, et ces derniers sont moins soumis à la sélection naturelle. Les cultures (de maïs) elles même sont également à l'origine des hausses des population. Les sangliers ont accès plus facilement à de la nourriture. C'est un peu comme avec la monoculture et les insectes "ravageurs". La monoculture fait augmenter les populations de ravageurs qui sont une "solution" des écosystèmes pour enrayer ce phénomène non naturel qu'est la monoculture. Les écosystèmes sont des équilibres parfaits.
Alors pourquoi en massacrant tous les ans des sangliers leurs populations ne diminuent pas ?
Tous simplement car comme je l'ai déjà dit, les populations d'ongulés dépendent en grande partie des quantités de nourriture disponibles, et donc, non des prédateurs... Si le maïs coule à flot dans les forêts, prédateurs ou non, la population de sangliers croîtra un peu près proportionnellement à la quantité de maïs disponible. Le "rôle" des loups dans les écosystèmes n'est pas la régulation à proprement parlé. Le loup, lui, va faire ce que l'on appelle "éclater" les populations. Ces dernières seront moins concentrées en un même point et auront par exemple moins d'impacte sur la végétation (comme cela c'est produit au parc de Yellowstone avec le retour du loup). Le loup va également s'attaquer au plus faible, malade...
Alors forcement, si l'on extermine les sangliers, on peut avoir un impacte sur leur population, mais cela n'est pas une solution, c'est un massacre. De toute façon, les chasseurs y seraient opposés, voir "leurs" cheptel de cibles à quatre pâtes se faire anéantir leur serait inenvisageable. D'ailleurs, ils sont nombreux à être contre le projet de l'Etat.
Les solutions existent et elles ne doivent pas être entre les mains des piégeurs :
Interdire l'agrainage est une grande part de la solution, si ce n'est la seule.
Il faut également revoir notre façon de placer les cultures. Les cultures les moins appréciées par les sangliers doivent être placées en première ligne, et non pas les cultures de maïs dont les sangliers raffolent.
Il faut également se poser une question essentielle. L'élevage est une source de gaspillage colossale : produire du végétale pour nourrir une grande quantité d'animaux au lieu de produire du végétale pour nous nourrir directement = gaspillage d'eau, d'aliment, de surfaces...
Un grand nombre du maïs que nous produisons sert à nourrir les animaux domestiques. Végétaliser notre alimentation c'est réduire notre emprise sur les sols, sur le sauvage, et bien sur, sur les animaux domestiques eux même. Cette végétalisation de notre alimentation est un passage obligé si l'on veut mettre en place une société plus écologique et lutter contre les famines.
Toute problématique doit être réfléchie de façon systémique, en prenant en compte le fonctionnement des écosystèmes, et avec la volonté que nos actions soient les plus respectueuses du vivant possible. Ce n'est pas ce que fait l'Etat, ce n'est pas ce que font les chasseurs et ce n'est pas ce que fait grand nombre de collectivités locales.
Concernant les sangliers, des solutions sont à mettre en place, mais elles ne feront pas disparaître pour autant les dégâts dans les cultures, pensons donc : acceptation, cohabitation, et partage de l'espace avec les autres habitants.
Changer nos liens avec le vivant, une grande part de la solution
Voila où se trouve le problème, l'Etat, les chasseurs, les collectivités... n'ont pas pour objectif la cohabitation avec le sauvage, cela leur est égale de ne pas prendre en compte les fonctionnements écosystèmiques et de massacrer le sauvage.
Dans ma commune, des tir préfectoraux ont été autorisés contre des sangliers qui venaient à proximité des habitations, une fois de plus on ne cherche pas à comprendre: on détruit. Pourtant si les sangliers sont présents, c'est que des poubelles débordent et que le secteur est jonché de déchets, la faute à qui ?
Les sangliers sont en grand nombre, mais de "notre" fait. Rien ne justifie cette haine qu'on leur impose, cet acharnement. Cet animal social est surprenant à découvrir: son comportement, son écologie... je ne me lasse pas de l'observer avec ces jeunes dans des friches et forêts qui foisonnent de vie. Un jour où je me promenais dans une prairie, j'ai découvert une colonie d'abeilles solitaires qui avait trouvé logis là où les sangliers avaient remué la terre, là où ils avaient créé un petit milieu propice à plusieurs espèces animales et végétale.
Enfin voila, la plus importante des solutions, c'est de changer nos liens avec le vivant.
Luttons contre l'agrainage, pas contre le sauvage.