Interview du Capitaine PAUL WATSON fondateur de Sea Shepherd.

 

J'ai eu la chance de pouvoir interviewer le Capitaine Paul Watson fondateur de l'association Sea Shepherd. Merci à lui pour sa disponibilité et ses réponses.

Sea Shepherd est une oganisation internationale à but non lucratif de conservation de la faune et de la flore marine. Sa mission est de mettre un terme à la destruction des écosystèmes marins et au massacre des espèces dans le but de conserver et de protéger la biodiversité des océans du monde entier. Plus d'info sur le site: www.seashepherd.fr/ et ici: www.youtube.com/watch?v=7gXFmSkwKgA

Version téléchargeable en anglais: Interview de PAUL WATSON - Victor NOEL - Déc 2016 - Version USA.doc (68096)

Version téléchargeable en français: Interview de PAUL WATSON - Victor NOEL - Déc 2016 _ Version Fr.doc (61952)

Un grand merci à Jean-Louis Pironio pour la traduction en français (A lire ci-dessous) et à Coralie DEFOURSAssistante de Lamya ESSEMLALI, Présidente Sea Shepherd France, Co-directrice Sea Shepherd Global

Bonne lecture:

 

Interview de Paul WATSON

Par Victor Noël

(Décembre 2016)

 

• Vous êtes le fondateur de l'association Sea Shepherd qui lutte pour la préservation et la protection des écosystèmes marins.

Paul Watson: Oui, j'ai fondé la Sea Shepherd Conservation Society en août 1977,  il y a presque 40 ans.

 

• J'ai 11 ans, imaginiez-vous, quand vous aviez  mon âge, que vous deviendriez le militant que vous êtes aujourd'hui? Pour vous, que signifie "être militant"?

PW: J'ai commencé mon travail de conservation à l'âge de 11 ans en sauvant les castors et autres animaux des pièges à mâchoires. Je libérais les animaux et détruisais les pièges. Je n'aurais jamais pensé faire cela pendant les cinquante années suivantes, mais c'est finalement ce qui s'est passé. Et, à bien des égards je poursuis aujourd'hui ce que j'ai commencé à faire à l'âge de 11 ans.

 

• D'où vient votre passion pour les baleines? *

PW: En 1975, un Cachalot mortellement blessé aurait pu me tuer, mais il ne l'a pas fait et je me suis toujours senti obligé de faire ce que je pouvais pour défendre les baleines en reconnaissance pour cette baleine qui a épargné ma vie. Ma passion cependant est pour l'Océan. L'océan est le système dont dépend l'ensemble de la vie sur cette planète. Si l'océan meurt, nous mourons tous.

* (Voir aussi le complément de réponse ci-dessous)

 

• Vous avez vécu de nombreuses expériences dangereuses, quels souvenirs en gardez-vous?

PW: Je ne peux pas répondre facilement à cette question. Cela peut sembler étrange, mais je suis en quelque sorte frappé d'un malédiction que je qualifierais de "mémoire totale" ce qui signifie que je me souviens de tout et qu'il n'y a donc pas de souvenir qui soit plus important qu'un autre. Il y a eu des centaines de campagnes et d'interventions et je me souviens de chacune d'elles.

 

• Quel est votre plus fort souvenir de toutes ces années d'activisme?

PW: Une fois encore, je considère que chaque souvenir à la même importance que les autres.

 

• Je remarque que les choses évoluent en matière de protection des animaux. Êtes-vous personnellement plutôt optimiste ou pessimiste à ce sujet?

PW: Je suis un éternel optimiste. J'ai vu une évolution constante de la conscience tout au long de ma vie et nous évoluons en relation avec la nature et les autres animaux. Nous comprendrons que nous sommes interdépendants avec toutes les autres espèces ou alors nous ne survivrons pas. Et si nous ne survivons pas à cause de notre arrogance et de notre ignorance, la vie continuera sous d'autres formes.

 

• En tant que végétalien je sais que sur les bateaux Sea Shepherd, l'équipage a également un régime végétalien. Pouvez-vous expliquer à nos lecteurs pourquoi c'est important pour vous?

PW: 65 milliards d'animaux sont abattus chaque année pour nourrir l'humanité et c'est sans comptabiliser les milliards de poissons. Cet abattage contribue plus aux gaz à effet de serre dans l'atmosphère que l'ensemble de l'industrie du transport. Lorsque l'on a compris cela, il devient évident qu'une personne ne peut légitimement être écologiste sans être végétarienne ou végétalienne.

 

• Selon vous, dans 20 ans, qu'est-ce qui représentera l'écologie pour le monde?

   PW: La survie. Si l'océan meurt, nous mourons tous!

 

• Quel conseil donner vous aux militants de l'écologie pour qu'ils ne renoncent pas?

PW: Pour être efficace, vous devez être comme un chirurgien. Vous devez être détaché des conséquences. Vous devez vous concentrer. Lorsque toutes les circonstances sont contre vous, rappelez-vous que vous ne pouvez pas être préoccupé par la victoire ou la perte ou tous les obstacles sur votre route. Vous faites ce que vous faites parce que ce sont les bonnes choses à faire. Vous êtes guidé par la vérité et vous devez avoir foi en vous-même.

 

• Vous étiez présent à la manifestation contre le tir de loups en France. Pourquoi était-il important pour vous d'assister à cet événement? (Lyon - 16 janvier 2016)

PW: Les loups sont des super prédateurs et sont essentiels pour un écosystème sain. Nous avons besoin de loups dans nos forêts et nos montagnes pour maintenir l'équilibre de la nature.

 

• Quel message aimeriez-vous adresser aux enfants aujourd'hui?

PW: Votre génération fait face aux menaces les plus graves que l'humanité a connues et les décisions prises par votre génération détermineront si l'humanité survivra. Nous devons maintenir le système de maintien de la vie de la planète. Si ce système de maintien de la vie échoue, nous ne survivrons pas.

 

Merci beaucoup d'avoir pris le temps de répondre à mes questions. Je lis actuellement votre biographie et je vous félicite sincèrement pour tout ce que vous avez accompli.

PW: Mes excuses pour avoir tardé à répondre. J'ai été exceptionnellement occupé et j'espère que mes réponses ne vous parviennent pas trop tard.

 

* Voici un complément de réponse envoyé par Paul Watson, concernant sa passion pour les baleines

Voici l'histoire complète tirée de mon livre: LA BALEINE

Le Pacifique Nord

(1975)

Au cours de l'été 1974, je travaillais sur un navire des Gardes Côtes canadiens dont la mission était de ravitailler les phares éloignés autour de l'île de Vancouver.

Un jour, à Vancouver, Bob Hunter m'a rencontré pour discuter d'une idée. Est-ce que ça m'intéresserait d'apporter mon aide à l'organisation d'un voyage pour sauver les baleines. J'ai dit "absolument" et nous avons discuté de l'organisation du projet Ahab. Notre objectif serait de prendre un bateau pour nous mettre à la recherche de la flotte baleinière soviétique et bloquer leurs harpons.

En repensant à cette année, je suis étonné que nous ayons seulement pu penser que nous pourrions affronter toute une flotte de chasse à la baleine et parvenir à les arrêter, mais la passion et l'imagination de la jeunesse était telle que nous étions convaincus c'est exactement ce que nous pourrions faire.

Encore une fois, nous nous sommes tournés vers John Cormack pour affréter son bateau, le Phyllis Cormack. Cette fois, nous avons changé le nom du bateau en Greenpeace V.

L'idée de la façon d'arrêter les baleiniers était la mienne. Ayant récemment travaillé avec de petits bateaux gonflables appelés Zodiacs avec la Garde côtière, j'ai pensé que nous pourrions simplement bloquer les harpons en nous plaçant entre les baleiniers et les baleines.

Après dix mois d'organisation, de collecte de fonds et de formation, nous avons pris la mer en avril 1975 pour traquer la flotte baleinière soviétique. Nous sommes partis de Vancouver, au nord, jusqu'aux îles de la Reine-Charlotte, sur la côte ouest de l'île de Vancouver, le long de la côte de l'Oregon jusqu'à soixante milles au large des côtes du nord de la Californie et deux mois plus tard en juin, nous avons enfin trouvé la flotte baleinière soviétique.

La flotte était grande. Six bateaux rapides de chasseurs et un immense navire-usine le Dalyni Vostok. Quand nous les avons trouvés, ils avaient déjà tué des baleines et la première chose que nous avons rencontrée était un corps de cachalot flottant à la surface de la mer.

Nous étions si en colère de voir ce corps que cela nous rendait incapable de voir à quel point l'entreprise que nous  étions sur le point de mener exigeait d'audace. Treize personnes sur un navire de pêche de 28 mètres face à une flotte de sept navires et des centaines de Russes.

Nous nous sommes arrêtés à côté du corps flottant de la baleine et je me suis porté volontaire pour examiner le corps. La baleine avait l'air très petite et j'avais l'intention de mesurer le corps. Il y avait des règlements de la Commission baleinière internationale sur la taille des baleines qu'il était permis de tuer.

Je suis sorti du bateau gonflable pour aller sur le corps du cachalot. Il flottait sur le côté, la bouche s'ouvrait alors que la mâchoire inférieure s'ouvrait et se refermait avec la légère houle. Je pouvais voir la rangée inférieure de dents. Le corps était encore chaud et il y avait des torsades déchirées de corde en plastique dépassant d'une blessure sur le côté gauche de la baleine où la ligne de harpon avait été coupée. Le harpon était profondément à l'intérieur et le sang coulait encore de l'horrible déchirure dans la peau. Je touchai la blessure et le sang me parut chaud sur la peau et, en m'avançant, je tombai sur l'œil ouvert de la baleine, un œil qui devenait progressivement vitreux mais me donnait encore l'impression de sensibilité. Je me demandais ce que cet œil avait vu dans les profondeurs de l'océan et je me demandais ce que la baleine avait pensé, si elle avait rêvé, si elle avait aimé.

La baleine était un mètre plus petite que ce qui était autorisé par le règlement..

Je retournai au bateau où les trois pneumatiques étaient prêts à être lancés.

Le plan était pour Bob Hunter et moi de  bloquer le harpon tandis qu'un bateau servirait au tournage par un caméraman et le troisième embarquerait un photographe. Les trois bateaux se sont dirigés rapidement vers un bateau muni de harpon qui a semblait être à la poursuite d'un groupe de baleines.

Nous avons rattrapé le bateau soviétique et avons pu voir clairement une masse de huit baleines nageant frénétiquement devant eux. Le harponneur était en position, penché sur son canon à l'étrave du bateau. Les baleines étaient épuisées et incapables de plonger sans avoir le temps de prendre suffisamment d'air. Le bateau russe se déplaçait très vite, mais nous étions plus rapides et je me suis mis en position devant l'étrave, à environ trente mètres derrière les baleines pour bloquer le tir du harponneur.

J'ai regardé Bob et nous tous deux pouvions à peine croire qu'après une année de préparatifs nous faisions maintenant ce que nous nous sommes mis à faire et ce que personne n'avait fait avant, nous défendions des baleines avec nos vies en étant des boucliers humains.

Le harponneur russe était clairement frustré et chaque fois qu'il tentait tirer, je mettais le bateau en position de le bloquer. Devant nous les baleines étaient effrayées, nous pouvions sentir leur peur au fur et à mesure que leurs souffles devenaient plus rapides et que les gouttelettes d'eau dans chaque expiration de leurs poumons créaient des petits arc-en-ciel au-dessus d'elles, tandis que nous traversions à grande vitesse chacun de leur souffle.

Je me retournai pour voir le capitaine russe courir en avant le long de la passerelle du pont à l'étrave. Il était clairement en colère et nous pouvions le voir hurler dans l'oreille du harponneur. Soudain il se retourna et nous regarda, sourit et lentement passa son doigt sur sa gorge.

Il y eut une énorme détonation et le harpon vola à seulement un mètre de nos têtes et frappa avec un bruit sourd suivi par une explosion étouffée dans le corps d'une des baleines. C'était une femelle et elle cria dans son agonie et roula sur le côté, le sang jaillissant comme une fontaine de son flanc.

La plus grosse baleine du groupe, un gros mâle a frappé la surface de la mer avec un claquement sonore et a disparu dans les profondeurs pendant que les six autres baleines s'enfuyaient vers la sécurité.

Le mâle a nagé droit sous notre petit bateau et s'est ensuite lancé hors de l'eau au niveau de l'étrave d'acier du navire harponneur.

Ils étaient prêts pour lui. Ils avaient appris il y a longtemps à tuer une femelle en premier sachant que le mâle reviendrait pour défendre son groupe.. Lorsqu'il a plongé, le harponneur rechargea rapidement son canon avec un harpon non attaché. Il abaissa le canon et appuya sur la gâchette.

Une autre détonation fut suivie d'un rugissement de douleur lorsque que le missile frappa  à bout portant et s'enfonça sur le côté de la tête de la baleine. Le mâle retomba dans la mer, roulant dans l'agonie tandis que la mer autour de lui devenait écarlate de sang et comme il se débattait et roulait agonisant à la surface, je vis son œil et il me vit.

Il a plongé et j'ai vu une traînée de bulles sanglantes venir rapidement vers notre bateau. A mesure qu'il s'approchait, il plongea et sortit de l'eau, sa tête se soulevant et s'élançant au-dessus de nous de façon à  retomber sur nous et nous écraser sous son poids.

Au moment où son corps est sorti de la mer, j'ai cru vivre un film au ralenti. Des ruisseaux de sang mélangés à de l'eau de mer tombèrent comme la pluie sur nous et tandis que sa tête s'est levée plus haut, je me suis trouvé à regarder droit dans son grand œil, un œil de la taille de ma main. Je pouvais voir mon propre reflet dans son œil, sa mâchoire inférieure si proche que j'aurais pu atteindre et saisir une de ses grandes dents courbées avec mes doigts.

Mais ce que j'ai vu dans cet œil a changé ma vie pour toujours.

J'y ai vu la compréhension. J'ai su à ce moment-là que la baleine avait compris que nous n'étions pas venus pour la tuer, mais pour la sauver lui et son espèce. Je ne sais pas comment ou pourquoi j'ai ressentis cela de cette façon, mais ce qui s'est passé ensuite, le tout en l'espace de seulement quelques secondes, a été une sorte de miracle.

Au lieu de tomber sur nous, j'ai pu voir la baleine faire un effort pour arrêter sa chute et j'ai pu voir la façon dont son corps a commencé s'enfoncer en arrière dans la mer comme si c'était un film joué à la fois au ralenti et à l'envers. J'ai vu son œil disparaître sous la surface et je savais que j'étais la dernière image qu'il avait vue avant sa mort.

Son corps fit surface à côté de nous dans un cercle grandissant de sang. Le soleil sur le point de se coucher et les nuages ​​moutonnaient comme des braises orangées dans le ciel.

Je pouvais voir les navires-harpon se précipiter pour récupérer des baleines mortes, je pouvais voir les lumières sur le navire usine russe s'allumer avec le crépuscule. Je pouvais voir notre petit bateau à environ un mille à la recherche de ses trois petits bateaux, dont l'un était le mien.

Et comme nous étions assis à côté du corps de la baleine morte, je ne pouvais pas m'empêcher de sentir que nous étions encore en vie par la grâce de cette créature étonnante. Il aurait pu nous tuer mais il a pris la décision de nous épargner.

Je me suis posé la question; Pourquoi ces baleines ont-elles été tuées? Les cachalots ne sont pas tués pour la viande. Ils ont été tués pour l'huile de spermaceti dans leur tête et l'huile de cachalot tirée de leur graisse. L'huile est précieuse parce qu'elle est très résistante à la chaleur et peut être utilisée très efficacement dans les machines industrielles. Et l'une de ses utilisations est la lubrification des mécanismes des missiles, en particulier dans les missiles balistiques intercontinentaux (ICBM).

Et cette révélation m'a frappé et m'a déprimé en même temps. Nous, les humains, détruisons ces êtres sensibles hautement intelligents, socialement complexes et conscients d'eux-mêmes, afin de créer des armes de destruction massive pour exterminer d'autres êtres humains.

Alors que je regardais la flotte russe et que le corps silencieux flottait à côté de moi, je me suis rendu compte que nous étions collectivement fous.

C'est à ce moment précis que j'ai pris la décision de consacrer ma vie à la protection et à la défense des baleines et de toutes les autres espèces qui vivaient dans l'océan et sur terre.

Pour être un berger pour les créatures vivantes de la mer.

Un berger de la mer.

 

Remerciements

Coralie DEFOURSAssistante de Lamya ESSEMLALI - Presidente Sea Shepherd France - Co-directrice Sea Shepherd Global

Jean-Louis PIRONIO pour la traduction.

 

www.seashepherd.fr/

 

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